Un terme revient souvent dans les discussions quotidiennes : la visibilité. Il faut rendre nos actions, professionnelles et personnelles, visibles. L’individu semble considéré, reconnu en fonction de sa visibilité. A tel point que l’invisible tend à devenir l’insignifiant, l’inexistant. Nous sommes même parfois poussés à nous livrer à une exhibition de l’intime pour exister.
A l’heure d’internet et du règne de l’image, notre valeur correspond à ce que les autres trouvent de nous en tapant notre nom dans un moteur de recherche. S’ils ne trouvent rien, c’est que nous n’existons pas. C’est alors que nous nous sentons obligé de devenir notre propre « responsable des relations publiques », ce qui instaure une exigence permanente d’être connecté. Nous élaborons notre image virtuelle et nous pensons choisir ce que nous voulons renvoyer aux autres.
Cette mise en scène de nos vies a toujours été une façon de se présenter au monde. Interface. Or, à présent plane plutôt le risque d’une profonde dissonance personnelle: face à l’exigence de la médiatisation permanente, il y a le danger de coller entièrement à ce masque social. Cela peut engendrer crises identitaires et souffrances psychiques : qui suis-je si je perds mon statut familial ou mon travail ? Faut-il à ce point accorder de l’importance à l’image que nous donnons de nous-mêmes et à celle que les autres renvoient d’eux-mêmes ?
Avec la surexposition digitale, la question est bien celle du dévoilement de soi. S’il n’y a pas de construction de soi sans relation à l’autre, est-il possible de se connaitre de façon authentique, si nous sommes réduits à n’être que ce que les autres nous renvoie de nous-mêmes, surtout si ce regard est virtuel ? Faudrait-il renouer avec une forme de discrétion ? Sans doute dirait Rousseau, pour cultiver l’amour de soi et éviter de trop nourrir l’amour propre, né de la comparaison, et qui nous porte à tout sacrifier à l’image qu’autrui se fait de nous.
Je nous souhaite d’oser regarder celles/ceux qui, en marge de nos sociétés, subissent l’invisibilité et en souffrent, tout en faisant le choix de préserver des îlots joyeux d’intimité.
: Oleg Shupliak
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