Eau

Certaines nouvelles peuvent provoquer une véritable stupéfaction, nous laissant sans voix devant l’ordre du monde qui semble plutôt sans dessus dessous.
 
J’ai pris connaissance, il y a quelques temps, du projet invraisemblable d’exporter de l’eau douce issue des rivières françaises contre des hydrocarbures du Moyen Orient ou d’Afrique. Dans les Alpes du Sud, l’eau de la Durance et du Verdon alimentent une centrale hydroélectrique dans la ville de St Chamas avant de se jeter dans l’étang salé de Berre. Or, cette eau bouleverse totalement l’écosystème de l’étang comme l’ont dénoncé les écologistes depuis des décennies.
 
Pour remédier à ce problème, un négociant pétrolier et un consultant ont récemment soumis au gouvernement le projet d’exporter et d’échanger le surplus d’eau contre du pétrole ou du gaz.
 
Je pense aux terres asséchées, aux lacs vides, aux agriculteurs en détresse et j’imagine d’immenses tankers remplis d’eau douce voguant sur la Méditerranée. Au-delà de l’absurdité écologique, cette image est frappante dans ce qu’elle dit de notre rapport à l’eau. Une eau maitrisée, technicisée, acheminée, gérable, marchandable.
 
Avons-nous à ce point-là perdu notre imaginaire de l’eau pour la mettre en boite à tout va ? Avons-nous oublié que nous sommes des « créatures de la soif » et que, de fait, l’eau n’est pas une ressource comme les autres ?
 
 L’accès à l’eau est droit humain fondamental qui ne peut être garanti que par une gestion publique et démocratique. Penser l’eau comme un bien commun pas comme une simple marchandise. Et puis, si l’eau n’est qu’un simple flux à gérer, pourquoi paradoxalement, vient-elle à manquer ?
 
A l’heure de l’épuisement des nappes phréatiques et du stress hydrique, le philosophe Jean-Philippe Pierron rappelle que nous vivons deux oublis, celui de la soif comme relation originaire au vivant et celui de la culture de l’eau comme art de médiation de l’homme et du monde. N’est-ce pas le moment d’inventer un imaginaire écologique de l’eau pour retisser des liens avec elle et changer nos pratiques ?
 
Je nous souhaite des gouttes d’eau éclairées d’une poétique en lien avec le vivant.

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