Chroniques du vivant

🦅 Un matin d’automne, depuis la voiture que je conduisais, j’ai vu un épervier percuter, dans son vol, le toit du camion devant moi et s’effondrer violemment sur le bitume. La brutalité du choc et l’impossibilité de m’arrêter sur la nationale m’a profondément attristée.
 
🌿Dans la frénésie de nos journées humaines, prenons-nous encore le temps de voir le vivant, non pas comme un décor, un support de nos activités mais comme un monde avec ses propres préoccupations et trajectoires, avec lequel nous sommes en relation ? J’imagine avec horreur un monde où faucher un rapace ne procurerait plus aucun émoi.
 
🌾 Or, cette « crise de la sensibilité » dont parle le philosophe Baptiste Morizot, cet appauvrissement des formes d’attentions et des qualités de disponibilités à l’égard du vivant s’annonce déjà.
Selon une étude récente, les enfants nord-américains sont désormais capables de distinguer des milliers de logos de marques mais dans l’incapacité d’identifier les feuilles des plantes de leur région.
Au moment même où ils construisent leur identité, les jeunes vivent de moins en moins en contact avec la nature (parce qu’il y en a moins et que leurs modes de vie limitent ces contacts). La part de leur identité qui intègre leurs relations intimes à leur environnement naturel diminuerait donc de génération en génération. Le psychologue Peter Kahn parle l’amnésie environnementale générationnelle.
 
🌱 Pouvons-nous continuer à vivre ainsi, en déliaison avec le monde vivant ? Sans doute, mais mal, avec la perte des effets bénéfiques de la nature pour notre bien-être physique, cognitif et émotionnel. N’est-ce pas aussi injuste de priver les générations à venir ? N’est-ce pas triste d’avancer à toute allure, insensible aux bruissements du vivant, vers cet appauvrissement de nos gammes d’affects et d’imaginaires ?
« Il y a quelque chose de triste dans le fait que 10 chants d’oiseaux différents qu’on entend chaque jour, ne parviennent pas au cerveau autrement que comme un bruit blanc » (Morizot).
 
👁️ Je nous souhaite de faire un pas de côté, de modifier notre regard et de réapprendre à voir le monde vivant.
 
Claire Larroque

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